En s’intéressant à la formation de l’antiféminisme dans la modernité viennoise (fin XIXe/début XXe), on s’aperçoit de similitudes de pensées avec notre époque qui voit s’intensifier les critiques réactionnaires face au progressisme sur les questions de genre et de sexualités. À ces deux époques est formulée la notion de « crises de la masculinité » par ceux-là mêmes qui se sentent menacés par la dévaluation du masculin au profit du féminin : Otto Weininger, figure intellectuelle de cette réaction, écrit Sexe et caractère en 1903. Sa pensée de l’antiféminisme s’appuie sur le concept psychanalytique de bisexualité qui commençait à être en vogue à l’époque. Cet article propose une historicisation et une problématisation de ces deux notions.
Nota bene : Le terme "bisexualité" est ici discuté dans son usage psychanalytique, c’est-à-dire dans son usage scientifique qui s’élabore entre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème. Ses définitions diffèrent de l’acception actuelle de la bisexualité comme attirance sexuelle pour les sexes masculin et féminin.
« Toute la « Sécession » qui met au-dessus des autres les femmes grandes, aux hanches étroites et à la poitrine plate, l’extension du dandysme et de l’homosexualité caractérise notre temps qui est le plus juif et le plus efféminé de tous les temps. Une époque qui exprime son essence dans des sentiments vagues, indécis et changeants, et dont l’inconscient est devenu la philosophie, manifeste qu’elle n’est inspirée par aucun grand homme. Cette recherche de la sonorité purement sentimentale, ce mépris du concept et de la clarté relèvent d’un style éminemment féminin. La pensée masculine se distingue par le besoin de formes sûres et cet art « impressionniste » est justement un art sans forme. » Otto Weininger, in Sexe et caractère
La question de la « féminisation » du monde, des rapports sociaux et des hommes, s’appuie sur le concept de « bisexualité » développé par Sigmund Freud en tant que « alternance répétée d’époques où prédomine tantôt la virilité, tantôt la féminité » observable dans certaines existences. Les tendances plus ou moins féminines ou masculines chez un individu sont donc l’œuvre d’une époque et l’on peut en trouver des émanations dans l’Art, dans la Mode, dans le Sport, dans l’Éducation, etc. Le trouble suscité par la dés-essentialisation du féminin par rapport au corps « femelle » et du masculin au corps « mâle », découverte de la psychanalyse, fait écho bien évidemment au trouble dans le genre développé par la pensée queer, trouble étendu à la sexualité, c’est-à-dire aux choix d’objets sexuels (hétérosexualité, homosexualité, asexualité, bisexualité, etc.). Ce qui inquiète c’est donc d’abord le caractère « sans essence » du féminin et du masculin que décrit la psychanalyse mais c’est aussi, et surtout, la possibilité que le féminin l’emporte sur le masculin. Si l’enjeu n’est pas démographique (il n’y a pas de majorité-homme ni de majorité femme), il est donc culturel et moral et c’est le nerf de la guerre. Les « crises » naissent de cette dernière crainte, lorsque l’homme se sent menacé par les femmes et par la femme en lui.
Dans un premier temps, nous chercherons à définir et à problématiser la notion de bisexualité originaire, qu’elle soit biologique ou psychique. Il s’agira de comprendre les écarts entre les différentes conceptions de la bisexualité mais également de commencer à amorcer une lecture critique de ces concepts.
Dans un deuxième temps, nous entrerons dans l’exploration de l’antiféminisme de Otto Weininger (1880-1903), juif antisémite qui se sentait menacé par la féminisation de la culture. Nous verrons qu’il développe sa haine de la féminité à partir sa conception particulière de la bisexualité originaire.
Il s’agit de voir comment certaines idées antiféministes ne se répètent pas tel quelles mais restent, demeurent tout en se voyant dotées d’une nouvelle popularité, médiatique, et de nouvelles préfigurations politiques. Néanmoins, il y a bien quelque chose qui se répète et il s’agit de comprendre quoi : allons-nous un jour en finir avec le phallus ?
Historicisation et définitions du concept de bisexualité
La pulsion, dans la pensée freudienne, semble naître de grandes polarités : plaisir/déplaisir, moi/monde extérieur, sadique/masochiste, activité/passivité ou celle qui nous intéresse ici masculin/féminin. Bien que l’on puisse trouver des caractères communs au sein d’une polarité, seule celle qui dualise le masculin et le féminin trouve une réunification conceptuelle et nominative, la bisexualité. Cependant si l’on s’en tient aux énoncés, le point de vue freudien sur la bisexualité se laisse difficilement saisir, les contradictions sont multiples, l’usage de certains termes est prudent, et surtout, la portée thérapeutique semble limitée. Pourtant, malgré les errances et les paradoxes, Freud a tenté de confronter le fondement de ce concept pour en arriver à la conclusion que tout individu est bisexuel.
Dans un premier temps, Freud tentera de limiter la portée de ce concept pour le préciser et le faire agir dans sa pratique psychanalytique. Il convient, pour commencer, de distinguer une bisexualité biologique (anatomique) d’une bisexualité psychique.
1.1. La bisexualité biologique
À la fin du XIXe siècle, Freud et son homologue Wilhelm Fliess entendent réaliser une étude conjointe sur la bisexualité, un projet qu’ils abandonneront à cause du désaccord profond concernant les raisons d’une bisexualité universelle. Pour Fliess, la raison d’une bisexualité universelle est à mettre sur le compte d’une bisexualité biologique. Ce serait parce qu’une dualité entre les deux sexes organiques s’inscrit au sein d’un individu, que le sexe ayant dû s’effacer face au sexe dominant en vient à se sédimenter, en tant que reste, dans la vie psychique de l’individu. De cette dualité biologique, si un sexe s’efface il ne disparaît pas pour autant, il réapparaîtra sous une forme latente dans sa vie comportementale. Dans son article sur la bisexualité, Didier Anzieu formule ainsi l’hypothèse de Fliess : « La bisexualité biologique se prolonge chez l’homme en une bisexualité psychique et cette bisexualité irait de pair avec la bilatéralité particulière de l’être humain, la gauche et la droite étant aussi dissemblables que complémentaires que le sont les deux sexes » [1]. Freud ne s’oppose pas à l’idée d’une bisexualité biologique, au contraire, il affirme dans ses Trois essais sur la théorie de la sexualité que : « Chez tout individu soit mâle, soit femelle, on trouve des vestiges de l’organe génital du sexe opposé. Soit ils existent à l’état rudimentaire et sont privés de toute fonction, soit ils se sont adaptés à une fonction différente » [2]. Là où Freud s’oppose plus frontalement à Fliess, c’est sur les effets de cette bisexualité biologique. Selon lui, la bisexualité comportementale (où le choix d’objet sexuel peut se porter vers les deux sexes) ne s’explique pas par la bisexualité anatomique. Les mythes invoqués ne sont pas les mêmes. La conception de la bisexualité selon Fliess est à rapprocher du mythe de l’Androgyne formulé par Aristophane dans le Banquet de Platon. C’est un mythe de la nostalgie et de l’unité originelle des deux sexes. En revanche, selon Pontalis, le mythe le plus propice à décrire la conception de Freud est celui d’Empédocle « où s’affronte Éros, force de liaison et de cohésion, qui institue toujours plus d’unité, et une puissance destructrice qui vise, elle, à ’dissoudre les assemblages’ » [3]. Freud, d’abord acquis à l’idée d’une bisexualité originaire propre à tous les individus, séduit par les apports scientifiques de son ami Fliess, cherchera ensuite à s’éloigner de cet effet de séduction qu’offre un concept capable d’expliquer totalement la destinée humaine. Pour valider théoriquement un concept, il faut le mettre à l’épreuve. Selon Freud, il y a chez l’individu un hiatus entre sa pulsion sexuelle et son objet sexuel. Pour expliciter son hypothèse, pour la mettre à l’épreuve, il développe l’idée d’une « bisexualité psychique ».
1.2. La bisexualité psychique
Parallèlement à l’identification d’une bisexualité biologique innée, par Fliess, destinant chacun à retrouver sa complémentarité, son unité, vers l’autre sexe ; Freud s’attachera à développer la théorie d’une bisexualité psychique innée distincte du comportement sexuel adulte. Par conséquent, se détacher du biologique, c’est se détacher de l’organe, et de l’organe sexuel. Pour parvenir à expliquer la bisexualité psychique, Freud entreprend alors, pour l’autonomiser, de distinguer le mécanisme de la pulsion (développé dès la petite enfance) et l’attirance pour un objet de désir.
Tout d’abord, on pourrait dire que la bisexualité psychique représente la présence des caractéristiques sexuelles dans l’appareil psychique. Parler de « caractéristiques sexuelles » au lieu de dire « les deux sexes » est primordial. On sait l’importance qu’accorde Freud, à la distinction entre le sexe biologique (masculin/féminin) et leurs expressions, leurs caractéristiques (activité/passivité). À propos des différentes phases de l’activité prégénitale de l’enfant, Freud avance : « Une deuxième phase prégénitale est celle de l’organisation sadique-anale. Ici, l’opposition entre deux pôles qui se retrouvent partout dans la vie est déjà développée ; cependant, ils ne méritent pas encore les noms de masculin et de féminin, mais doivent être considérés comme actif et passif » [4]. Cette autre polarité définissant des penchants ou une tendance à l’activité ou la passivité, se déroulant à l’âge infantile, est caractérisée par le fait que les zones génitales de l’enfant ne sont pas encore sexuées. C’est-à-dire que l’enfant n’est pas encore petit garçon ni petite fille. Sa relationalité est alors définie par une autre polarité, activité/passivité. Ce n’est que selon un enchaînement équilibré de différentes phases qu’on verra apparaître ce qui est proprement masculin et féminin. En revanche, si le développement connaît un déséquilibre, le sujet est susceptible d’être conduit à la maturité sexuelle à un comportement d’inversion (d’homosexualité). C’est ici qu’apparaît un paradoxe et la confrontation à la définition ordinaire que nous donnons aujourd’hui à la bisexualité : un sujet trouvant une satisfaction sexuelle avec l’un et l’autre sexe indifféremment.
1.3. Les aberrations sexuelles
La conception de la bisexualité reste énigmatique, autant pour nous que pour ceux qui cherchent à la définir. Pour entrer dans cette complexité, je m’appuierai sur la thèse que Lucie Lembrez a soutenue en 2015 [5]. Elle se sert de l’étude d’un cas d’homosexualité par Freud, qui permet de nous révéler un peu plus ce que devrait être la structure équilibrée d’un bon développement psychique à partir de cette conception de la bisexualité originaire. Il s’agit de la « Psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine » où un complexe d’Oedipe mal développé conduirait, selon Freud, une jeune femme à l’« aberration sexuelle » que représente l’homosexualité. Freud suggère que l’homosexualité peut être soignée si le sujet concerné parvient à briser les barrières qui le séparent de l’autre sexe, et à accepter une forme de bisexualité dans ses objets sexuels :
« Cette opération, la suppression de l’inversion génitale ou l’homosexualité, ne s’est jamais présentée, d’après mon expérience, comme quelque chose de facile. Bien plutôt, j’ai trouvé qu’elle ne réussit que dans des circonstances particulièrement favorables, et que même alors le succès consiste essentiellement en ce qu’on a pu, pour la personne confinée dans l’homosexualité, dégager la voie jusqu’alors barrée jusqu’à l’autre sexe, donc rétablir pour cette personne la fonction bisexuelle complète. » [6]
Il ne s’agit pas tant ici de faire le procès de la nécessité pour le thérapeute d’une « suppression de l’inversion génitale ou de l’homosexualité » que de suivre le cheminement de pensée qui le conduit à repenser sa théorisation de la sexualité. Lucie Lembrez repère ce changement en deux temps. D’abord « le complexe d’Oedipe se fonde sur le caractère hétérosexuel de l’adulte et transforme l’enfant incestueux en un sujet qui réagit et applique ce caractère. Logiquement, le petit garçon va avoir du désir libidinal pour sa mère et de l’agressivité envers son père, rival. » [7] Ensuite, « Or, il semble que le complexe d’Oedipe n’est pas un rapport qui suit un chemin hétérosexuel formant un triangle dessiné par le trio enfant/père/mère, mais que l’enfant pourrait avoir une ambivalence de sentiments pour les deux parents. Il ne s’agit donc pas d’un manque de distinction entre les sexes auxquels il s’adresse, mais plutôt d’une dualité de positionnement de l’enfant. Il peut être à la fois le petit garçon libidineux vis-à-vis de sa mère et agressif vis-à-vis de son père, et la petite fille libidineuse vis-à-vis de son père et agressive vis-à-vis de sa mère. » [8]
Le caractère sexuellement ambivalent de l’enfant vis-à-vis de ses parents démontre la préexistence d’une bisexualité psychique car elle repose moins sur l’attractivité de sexes contraires que sur l’attractivité de leurs caractéristiques masculines ou féminines exprimées par l’homme et la femme. Autrement dit, selon Freud :
« Que la situation oedipienne ait pour issue une identification au père ou à la mère,cela semble donc dépendre dans les deux sexes de la force relative des dispositions sexuelles masculines et féminines. C’est là l’une des façons dont la bisexualité intervient dans les destins du complexe d’Oedipe. L’autre façon est encore plus importante. On a en effet l’impression que le complexe d’Oedipe simple n’est pas du tout le plus fréquent, mais qu’il correspond à une simplification ou à une schématisation, même si elle reste bien souvent justifiée dans la pratique. Une investigation plus poussée découvre la plupart du temps le complexe qui est double, positif et négatif, sous la dépendance de la bisexualité originaire de l’enfant : le garçon n’a pas seulement une position ambivalente envers le père et un choix d’objet tendre pour la mère, mais il se comporte en même temps comme une fille en manifestant la position féminine tendre envers le père et la position correspondante d’hostilité jalouse envers la mère. » [9]
Peut-être que l’on sous-estime encore trop l’importance qu’accorde Freud à la polarité activité/passivité dans l’activité psychique des individus. Lui-même a du mal à la maintenir constamment séparée de son référent masculin/féminin. Pourtant, s’extraire de la différence des sexes pourrait éviter de retomber dans le piège d’une naturalité à l’œuvre dans le développement psychique. Ce n’est que tardivement, dans une conférence concernant la « féminité » que Freud tentera de franchir le pas qui « dénaturalise » la pulsion de l’enfant : « Ce qui appartient en propre à la psychanalyse, ce n’est pas de décrire ce qu’est une femme mais de rechercher comment elle le devient, comment elle se développe en femme à partir d’un enfant à disposition bisexuelle. » [10]
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S’il est si difficile de quitter les modèles sexués du masculin et du féminin, ce pourrait être à cause de ce qui n’a pas encore été abordé dans ce travail, à savoir l’insistance du modèle suprême à tout processus d’identification d’un sujet, le modèle parmi tous : le phallus et son complexe de castration. Ce pourrait être ce rapport phobique à la castration qui nous maintient dans l’illusion d’une bisexualité biologique originaire, sans fissure, symétrique et unifiée, les deux sexes ayant trouvé leur complémentarité rassurante, le phallus loin de disparaître est enfin consacré, pouvant vivre sans l’angoisse d’être châtré. Freud, malgré ses tâtonnements et ses maladresses qu’il reconnaît, aura au moins cherché à inquiéter la dimension quasi cosmologique que certains penseurs veulent faire porter à la bisexualité, notamment lorsqu’ils se basent sur des démonstrations biologiques. À la bisexualité biologique nostalgique et complémentaire de Fliess et du mythe de l’Androgyne, Freud lui oppose une bisexualité psychique, dissymétrique et mélancolique [11].
Néanmoins la bisexualité fut à cette période le lieu d’une bataille quant à la « paternité » de ce concept [12]. L’enjeu était important car la bisexualité apparaissait comme un des grands paradigmes découvert et formulé par la psychanalyse, capable de servir de critère pour décrire les structures et les développements psychiques des individus. Lequel sera également investi par des considérations historiques, esthétiques et politiques puisque ce qui a été nommé « antiféminisme » s’appuie en grande partie sur une acception particulière de la bisexualité, celle revendiquée par Otto Weininger dans son ouvrage Sexe et Caractère (1903) : « Non seulement l’individu passe par des périodes mâles et des périodes femelles, mais surtout, l’humanité traverse des périodes de plus ou moins grands gonochorismes » [13]. Weininger est persuadé que la bisexualisation de la période 1900 est une décadence esthétique et morale dont le remède se situerait moins dans une restauration de l’identité mâle traditionnelle que dans l’avènement d’un genre neutre, supprimant l’existence du sexe, un genre teinté de mort.
De la bisexualité originaire à l’antiféminisme
Dans un premier temps, je voudrais amorcer une première définition de l’antiféminisme en tant que réaction à ce qui est perçu comme une féminisation de la société par la politique, la culture, l’esthétique, la morale, la médecine et bien sûr la psychanalyse. Tandis qu’au début du XIXe siècle Hölderlin traduit l’Antigone de Sophocle qui « se révoltait contre la puissante dictature de la loi patriarcale de Créon » [14], Hofmannsthal dépeint son Elektra qui « affronte un monde chaotique où l’autorité masculine est devenue inconsistante ». Ces deux œuvres de la littérature européenne du XIXe siècle caractérisent ce qui se joue dans la redistribution des rôles du masculin et du féminin dans la société. Cette période est aussi celle de ce qu’on appelle le féminisme de la « première vague » dont les revendications centrales portaient sur le droit de vote, l’accès à l’enseignement supérieur, le contrôle des naissances, etc. En Allemagne et en Autriche, ce féminisme notamment issu de la Révolution de 1848 est un marqueur du progressisme et du libéralisme montant. En réaction, une pensée nationaliste et conservatrice attachée aux valeurs traditionnelles se constitue et on voit apparaître ce qui s’organise théoriquement face à ces bouleversements des codes, à savoir : l’antiféminisme (mais aussi l’antisémitisme comme nous le verrons en fin de partie).
2.1. La bisexualité selon Otto Weininger
Tous les savants semblent d’accord sur l’existence d’une bisexualité biologique. Otto Weininger en reprend les termes dès le premier chapitre de son ouvrage Sexe et caractère publié en 1903 : « Il est aisé de voir la relation qu’il y a entre cette structure bisexuelle qui est celle de tout organisme fût-ce le plus évolué, et d’autre part la persistance chez tout individu aussi unisexuellement développé soit-il pris dans le monde végétal, animal ou humain, des caractères propres au sexe opposé » [15]. Puis de préciser : « Qu’on me comprenne bien ici non d’une bisexualité comme exception, ou comme disposition embryonnaire, mais d’une bisexualité comme règle » [16]. En d’autres termes, il n’y a d’expérience ni d’homme ni de femme mais du masculin et du féminin ; ou pour le dire encore autrement il n’y a que des types d’hommes et des types de femmes. Néanmoins, Weininger conclut dans ce chapitre qu’il y a nécessité de définir des idéaux, des modèles, pour chacun de ces types : « Tout ce dont il s’agit est de connaître H et F, de définir exactement l’homme idéal et la femme idéale (indépendamment de tout jugement de valeur, c’est-à-dire dans le sens de typiques) » [17]. Puis il nous rappelle que cette bisexualité a été pensée « au plus haut point » dans la période helléniste avec le mythe de l’Androgyne racontée par Aristophane dans le Banquet de Platon.
Nous avons également vu en conclusion de la première partie que Weininger associe à la bisexualité l’idée d’une périodicité (une période mâle et une période femelle) qui oscille tant dans un individu que dans l’histoire de l’humanité. Cette dernière conception attachée à l’humanité est abordée dans le sixième chapitre de son ouvrage où il s’intéresse aux « femmes émancipées ». Il constate que les mouvements féministes, comme tous mouvements de l’Histoire, pensent qu’ils sont nouveaux, initiateurs, sans précédent, que de tout temps les femmes sont restées dans l’ombre des hommes et que c’est seulement à l’aune de leur mouvement que la femme peut enfin songer à sa propre émancipation. Il oppose à cette perception unique et novatrice du mouvement, une perception périodique : « Mais on lui a continuellement cherché – et trouvé – des analogies dans le passé ; non seulement l’Antiquité et le Moyen Âge ont eux aussi connu, sous le rapport social, une question féminine, mais on sait également pour ce qui est de l’émancipation intellectuelle, il y a eu pour œuvrer dans ce sens, et des femmes par leur production, et des apologistes de la femme (...) » [18]. Puis de poser la question : « Il faut ici envisager de poser la possibilité d’une vaste périodicité, en vertu de laquelle, suivant une succession de phases régulières, certaines époques verraient naître plus de types androgynes. […] Ce serait là des époques de moindre gonochorisme, il y naîtrait plus de femmes masculines et plus d’hommes féminins » [19]. Très clairement, pour Weininger, il s’agit là d’un trait caractéristique du masculin, seules les femmes masculines peuvent être considérées comme des femmes émancipées. En exposant cette hypothèse, Weininger dévoile le sort qu’il fait à la féminité. Une autre partie du chapitre nous éclaire sur ce qu’il entend par « femme émancipée en disant d’abord ce qu’elle n’est pas. La « femme émancipée » n’est pas la femme qui gouvernerait son foyer sans que son mari lui oppose de résistance, n’est pas la femme qui rentrerait chez elle seule la nuit sans être accompagnée, n’est pas celle qui vit seule, n’est pas celle qui aborde les questions sexuelles, n’est pas celle qui travaille pour assurer son indépendance, n’est pas celle qui entre dans une école supérieure. En revanche, pour Weininger, une émancipation de la femme serait « la volonté qu’elle peut avoir de ressembler intérieurement à lui (l’homme), d’atteindre la même liberté dans la pensée et dans la morale, de montrer la même force créatrice » [20]. Les quatre termes autour desquels peut s’articuler l’émancipation de la femme sont des termes où le corps est absent : intérieurement, pensée, morale et créatrice ; c’est-à-dire les valeurs que Weininger rattache au masculin. Citant Jacob Burckardt au sujet de la Renaissance : « Le plus grand éloge qu’on ait pensé faire à cette époque des grandes dames italiennes était de dire de celles-ci qu’elles avaient un esprit et une âme masculine » [21].
Pour Weininger, les femmes émancipées ont une âme masculine. Quel autre signe, pouvant se balader de l’homme à la femme tout en ne cessant de garder la marque du masculin peut-on rapprocher de cette idée si ce n’est celle du phallus ? Weininger ne fait pas l’analogie mais on peut aisément se prêter à ce jeu pour comprendre ce qui détermine sa conception de la bisexualité, où il n’y a ni Homme ni Femme mais du masculin et féminin. S’il n’y a ni Homme ni Femme, c’est qu’il n’y a pas de corps, il fallait pour Weininger trouver son remplaçant symbolique dans ce système sans corps ; le phallus, il n’en réapparaît que plus masqué sous la forme de « l’âme masculine ».
2.2. « L’amant ne cherche dans l’être aimé que sa propre âme »
Les chapitres XI et XII de Sexe et caractère cherchent à résoudre l’énigme de la femme : ce qu’elle veut, ce qu’elle est, ce qu’elle n’a pas. Pour Weininger la réponse est double et en même temps une : elle n’a ni âme ni phallus ; la femme est donc dans l’attente de l’homme.
Le chapitre XI s’ouvre sur une adresse aux hommes qui vénèrent les femmes. Selon lui, ils vivent dans l’illusion : « Il n’y a que deux catégories d’hommes : ceux qui méprisent la femme et ceux qui ne se sont jamais posé de questions à son sujet » [22]. Il pense que les hommes ont tendance à unifier l’érotisme (l’amour) et l’activité sexuelle. Or concernant les femmes, il faut les désunir : « Il n’y a d’amour que platonique. Tout le reste est bestialité ». On peut y voir des traces de l’amour courtois où le véritable amour n’existe que dans la séparation et l’éloignement. Mais on y verra surtout l’aversion de Weininger pour la sexualité féminine. « Si la femme nue peut être belle dans l’art, elle ne l’est pas dans la réalité […]. En outre, le corps nu de la femme donne l’impression de quelque chose d’inachevé » [23]. Si la femme n’est pas belle en soi, qu’elle est cette beauté que l’homme lui trouve tout de même, et qu’il cherche à retrouver dans l’acte sexuel ? Ici, Weininger ralentit et détaille les choses. Il précise que l’acte sexuel fait fuir la beauté : « L’instinct sexuel qui cherche l’union physique avec la femme, annihile sa beauté ; on cesse d’adorer la beauté d’une femme qu’on a possédée » [24]. Puis, il lève le voile sur le mystère de la beauté, ce que l’homme aime à travers une femme, c’est lui-même. La femme lui sert de miroir pour aimer cette partie de lui-même qui a besoin d’être mise à distance, en l’Autre, pour pouvoir être perçue et aimée. Trois choses sont énoncées : l’homme n’est pas complet sans aliéner une part de lui-même dans l’Autre que représente la femme ; la femme n’est pas complète, elle ne le sera jamais car elle n’a pas d’âme, mais aussi parce qu’elle possède cette part de masculin qui attire les hommes ; les deux premiers énoncés valident pour l’un et l’autre sexe leur bisexualité originaire. Et on peut ajouter encore une chose : l’homme est actif en tant qu’il part à la recherche de sa part manquante ; la femme est passive, elle attend en tant que corps inachevé qu’un homme vienne chercher ce qui lui manque.
Mais Weininger tient à ajouter une contrainte supplémentaire. Si selon lui « la femme aimée est trop souvent une ingénue, trop souvent une femelle, trop souvent une coquette pleine de lubricité », l’homme ne peut consentir aussi facilement aux appels sexuels que lui lance la femme. Il doit prendre en charge un sentiment de culpabilité inhérent à une faute antérieure, que ce « qu’on voulait obtenir dans l’amour est quelque chose qui ne devait pas y être cherché » [25]. Nous nous approchons du problème crucial qui touche la bisexualité originaire selon Weininger : il est plus difficile d’être un homme qu’une femme. « Réaliser une destinée féminine, selon Weininger, consiste en un simple abandon aux appels de la nature, de la chair, des pulsions, à la passivité, à l’oubli, à la volonté du monde, à la procréation. » [26] Alors que réaliser une destinée masculine demande un effort, un combat afin d’obtenir sa délivrance, une rédemption.
Pour Weininger, le destin de la femme ne fait aucun doute. Contrairement à l’homme, elle est incapable de devenir un être suprasexuel. « Elle désire simplement davantage le coït ou davantage l’enfant ». Weininger se fait ici très freudien dans la mesure où le phallus qui manque à la femme, elle le retrouve temporairement dans l’accouplement et l’enfantement. La femme est toute entière dirigée vers le phallus, c’est-à-dire vers son destin. Ce que la femme retient c’est « non l’homme précisément, mais le mâle ; et avant tout le symbole de sa sexualité, son phallus » [27]. Dès lors, la femme n’aime pas, elle tombe amoureuse. Elle ne perçoit pas la beauté, elle est fascinée par ce qu’elle n’a pas.
Plus on s’approche de la fin de l’ouvrage, plus Weininger se fait violent envers les femmes :
« La femme est par essence non-libre : la nature même du besoin général et unique qui l’anime la destine à être violée par l’homme, non seulement dans sa propre personne, mais dans celle de toutes les autres femmes. Elle est toute entière sous l’empire du phallus et vit proprement sous sa loi. Tout ce à quoi elle peut atteindre est un vague sentiment, un pressentiment même, de cette non-liberté, de cette fatalité qui pèse sur elle, et ce qui le lui rend possible est une toute dernière trace en elle de subjectivité libre et intelligible, un reste de masculinité innée, car il n’y a pas de femme absolue. » [28]
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Lire Sexe et caractère, c’est lire un fantasme qui se radicalise au fur et à mesure qu’on tourne les pages. On commence à manier des termes comme masculin et féminin au lieu de parler d’homme et de femme. Puis, lorsque Weininger s’approche de son objectif de définir un idéal du type H et un idéal du F, on est saisi par la cruauté qui se joue dans sa conception de la bisexualité. Les phrases deviennent sentencieuses et moins argumentées, de telle sorte que nous nous éloignons du sérieux de toutes sciences pour être cueillis dans un délire qui n’est, d’une certaine manière, pas sans fondement. Jacques Le Rider nous rappelle que l’antiféminisme n’était pas un courant de pensée isolé à l’époque, au contraire, il remportait un certain succès tant dans la bourgeoisie intellectuelle que dans les classes populaires. Non seulement l’antiféminisme mais également l’antisémitisme, Weininger affirmera que la femme et le Juif entretiennent des caractères communs. Et de la même manière qu’il protestait « virilement » contre la féminisation de la société, cette menace étant aussi intérieure (car chaque être est bisexuel), Otto Weininger était un juif antisémite. D’ailleurs, selon son raisonnement seul un juif pouvait être antisémite, de la même manière que ce qu’un homme hait chez une femme c’est la part féminine qu’il retrouve en lui. Pour lui le Juif est incapable de réaliser l’idée de masculinité qu’il défend dans son ouvrage ; il ne constitue pas non plus une race ni un peuple, mais un type de l’humanité opposé à un autre type, l’aryen, comme le sont le masculin et le féminin.
Freud éclairait la relation de l’antiféminisme avec l’antisémitisme de Weininger par le complexe de castration. « Weininger était un névrosé entièrement dominé par les complexes infantiles » dit-il à son propos dans son étude du Petit Hans (1909). Et d’ajouter à propos du lien entre antisémitisme et complexe de castration dans une note à Un souvenir d’enfance de Leonard de Vinci (1910) : « La circoncision est pour ces gens inconsciemment assimilée à la castration. Si nous nous risquons à transposer nos suppositions dans la préhistoire de l’humanité, nous pouvons imaginer que circoncision la dut être à l’origine d’un substitut atténué qui a pris le relais de la castration ».
La bisexualité originaire de Weininger est si l’on peut dire le mythe d’un conflit psychique intérieur jetant les bases d’un combat tout aussi intérieur entre homme et femme et entre aryen et juif, dont l’issue biographique sera son suicide en 1903. L’antiféminisme et l’antisémitisme de Weininger prenaient la forme d’une haine de soi radicale, il les exposa frontalement dans un livre qui montrera que cette haine de soi était aussi le propre de la modernité.
CONCLUSION
Si on peut résumer les choses ainsi : tout commence avec la bisexualité. Nous avons vu la bisexualité biologique de Fliess où le lieu du conflit entre le mâle et la femelle s’établit dans l’embryon jusqu’au fœtus et les traces de leur armistice subsisteront dans le comportement social de l’individu. Nous avons vu la bisexualité psychique de Freud où le nourrisson est à la fois enclin à l’activité ou la passivité et il deviendra femme ou homme selon la manière dont il réalise son complexe d’Oedipe. Et nous avons la bisexualité originaire de Weininger et la soumission de l’individu au caractère périodique de sa propre bisexualité. D’une certaine manière, pour Weininger, l’inconscient est historique. La masculinité devait toujours se tenir sur ses gardes, tout ce qu’elle acquiert, elle ne peut en avoir une possession sûre. Ainsi le masculin est toujours en conquête, une guerre sans relâche moins contre les femmes que contre la femme en lui qui menace de le submerger. Et le conflit est intense dans une époque où le féminisme de la première vague marche dans le pas des révolutions progressistes, où les machines commencent à prendre la place des hommes, où les hommes reviennent humiliés, mutilés, de cette Grande Guerre. Néanmoins, Weininger constate cette guerre psychique et sociale. Sa réponse ne consiste pas en l’avènement d’un homme-soldat comme on pourrait le croire au vu de sa postérité dans les rangs nazis. Au contraire, l’Homme type idéal selon lui est une élévation de l’esprit telle qu’il ne ferait plus qu’un avec le monde, ou encore une chair sacrée dépourvue de sexualité, dépourvue d’autre, car chacun devrait être protégé de la contamination extérieure. Or cette unification totale est avant tout un mythe ; ne supportant pas la déchirure qui le menace, il mit fin à ses jours.
On pourrait aussi déceler dans toutes ces recherches sur une possible bisexualité originaire, cette obsession, cette nécessité, d’identifier quelque chose comme une modalité ou une structure qui puisse parler pour tout le monde, qui puisse tendre à l’universel. Or, ce que le féminisme ou les mouvements de libération sexuelle mettent sur la table, c’est le jeu des différences. Aujourd’hui ce sont les mouvements trans et intersexes qui prolongent le combat. Mais pour que ces différences apparaissent, elles doivent se battre pour se rendre visibles : mettre dans la lumière ce qui restait caché. C’est toujours le même processus, le même jeu, que nous répétons ; et c’est autant de manières d’interpréter l’inconscient. Et au milieu de tout ça, le phallus, c’est-à-dire la maîtrise, le pouvoir et les formes sûres, semblent poursuivre leur chemin en changeant de masque sans que rien n’y paraisse.
Mickaël Tempête
[1] ANZIEU Didier, « La bisexualité dans l’auto-analyse de Freud », in Bisexualité et différence des sexes, Nouvelle Revue de Psychanalyse, Gallimard, 2004, p. 277.
[2] FREUD Sigmund, Trois essais sur la théorie de la sexualité (1905), cité par Pierre Fédida dans « Dissymétrie dans la psychanalyse » in Bisexualité et différence des sexes, Folio Gallimard, p. 243.
[3] PONTALIS Jean-Bertrand, « L’insaisissable entre-deux », in Bisexualité et différence des sexes, Folio Gallimard, p. 23.
[4] FREUD Sigmund, Trois essais sur la théorie sexuelle, Gallimard, 1987, p. 129.
[5] LEMBREZ Lucie,
Mécanismes de la sexualité en France, bisexualité et enjeux sociétaux : l’essor d’une nouvelle révolution sexuelle (Thèse de doctorat de Philosophie), Paris, Université Sorbonne Paris Cité, 2015, 358 p.
[6] FREUD Sigmund, « Sur la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine », in Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, 1981, p. 134.
[7] LEMBREZ Lucie, op. cit., p. 63.
[8] Idem.
[9] FREUD Sigmund, « Le moi et le ça », in Essais de psychanalyse, Éditions Payot & Rivages, 2001, p. 273.
[10] FREUD Sigmund, « La féminité », in Nouvelles conférences de la psychanalyse, Gallimard, 1971.
[11] Voir à ce propos le texte de Freud Deuil et mélancolie (1917) où, sur fond de Première Guerre mondiale, il perçoit dans la mélancolie un sentiment où le sujet s’auto-dépréciant, vise en réalité l’objet du deuil introjecté, un être mort, ou même des idées mortes comme la patrie et la liberté.
[12] Il s’agit d’une dispute entre différents « pères » de la bisexualité qui prolonge celle entre Fliess et Freud. Fliess accusera Freud d’avoir divulgué le secret de leurs premières recherches sur la bisexualité à un de ses patients, H. Swoboda, qui en aurait ensuite parlé à Weininger, qui l’aurait repris sans citation dans son ouvrage. Freud fera allusion à ces guerres de paternité, à deux reprises, dans des notes de bas de page dans ses Trois essais. Dans la note de l’édition de 1910, à propos de Fliess : « En 1906, W. Fliess a revendiqué la paternité de l’idée de bisexualité en tant qu’applicable à tous les individus. » Et à propos de Weininger, non sans dédain : « Parmi les non-spécialistes, on considère que la notion de bisexualité humaine a été établie par O. Weininger, philosophe mort jeune, qui a écrit un livre assez irréfléchi (Sexe et caractère). »
[13] En biologie, le gonochorisme est la séparation complète des sexes dans des individus distincts. Cette citation est extraite de : LE RIDER Jacques, Modernité viennoise et crises de l’identité, PUF, 1990, p. 123.
[14] LE RIDER Jacques, ibid., p. 9.
[15] WEININGER Otto, Sexe et caractère, Paris, L’Âge d’Homme, 1989, p. 25.
[16] WEININGER Otto, ibid., p. 26.
[17] WEININGER Otto, ibid., p. 28.
[18] WEININGER Otto, ibid., p. 72.
[19] WEININGER Otto, ibid., p. 73.
[20] WEININGER Otto, ibid., p. 67.
[21] BURCKARDT Jacob, cité par Otto Weininger, ibid., p. 73.
[22] WEININGER Otto, ibid., p. 193.
[23] WEININGER Otto, ibid., p. 196.
[24] WEININGER Otto, ibid., p. 197.
[25] WEININGER Otto, ibid., p. 201.
[26] LE RIDER Jacques, Modernité viennoise et crises de l’identité, Paris, PUF, 1990 p. 111.
[27] WEININGER Otto, ibid., p. 206.
[28] WEININGER Otto, ibid., p. 227.
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