Il s’est d’abord fait connaître comme humoriste avec son seul en scène "Presque", a joué dans quelques films "grand public", Panayotis Pascot, cela n’aura échappé à personne, a sorti un livre autobiographique dans lequel il relate la relation difficile avec son père, ses maladresses avec les filles et surtout... son coming-out gay. Le livre est un succès en termes de ventes (+ de 100.000 exemplaires), certes grâce à un marketing savamment orchestré mais aussi parce qu’il correspond bien à l’époque, un peu trop même.
Dans la fosse à chiure de la rentrée littéraire, voici, un des morceaux se fait connaître. Il se distingue de ses voisins. Il est des nôtres ! L’applaudit-on quand même, sans remarquable proposition littéraire, avec plutôt de quoi s’abattre ou se marrer ? Encore et encore un récit qui « part de l’intime pour aller vers l’universel » [1], et pas vraiment d’ailleurs. Et mêmes médias et presse unanimes d’ajouter qu’on ne l’attendait pas, et même sourire sur nos lèvres. Qu’on se marre encore un peu. Qui d’autre que ces faiseurs de roi pour feindre l’étonnement que la forme livre soit à ce point disponible à l’endroit de leurs semblables, qui de si bon dans la feinte du couronnement légitime ? Sinon bien sûr un public avili, oui, oui. On verra d’ailleurs tout de suite, le relent près des lèvres, que ce n’est pas tout à fait vrai, qu’on l’attendait un peu. La prochaine fois que tu mordras la poussière a donc été écrit par l’humoriste, acteur et ancien chroniqueur du Petit Journal et de Quotidien – explication du succès à elle seule quasiment suffisante – Panayotis Pascot. Il traite principalement de la relation au père et de la dépression de Panayotis Pascot, ainsi que de la découverte et l’acceptation de « son » homosexualité. On défile chez les libraires pour venir le chercher. Le public est jeune dans l’ensemble, et dedans nos frères pédés. On pose ici une question simple : ce livre et son succès nous sont-il favorables à nous autres les pédés, et à notre part dans la révolution ? On s’est bien marré à la lecture, avant que, oui, ne surgisse l’abattement. Et puis son seul dépassement possible, une position très claire : considérer que cet ouvrage, non seulement, est contre-révolutionnaire, mais qu’en plus, il nous dérobe des frères.
C’est un succès unanime pour l’auteur, triomphe de télévision, de presse, de ce qu’on ne sait pas nommer (Konbini). Pour nous (nous, groupe perçu comme homogène) c’est un pas supplémentaire vers un rapport au monde encore frais, sur le point de rendre inaudible, au milieu de la normalisation générale, les voix non apaisées qui persistent dans ce nous : ça va bien désormais. Sous son aile, le système médiatico-capitaliste nous protège bien. Et le parcours de l’homosexuel est rendu acceptable, courageux même, pourvu qu’il suive une trame qui, quelque soit sa contingence (coming-out et, par exemple, épisode dépressif) impose un bienheureux dénouement, l’harmonisation du désir aux attendus du monde tel qu’il est, et tel qu’il ne changera pas. La poussière en est un mode d’emploi, la proposition d’une trajectoire dont on peut s’inspirer. Se ranger est à la portée de chacun. Certes, pas la place à Quotidien et les acclamations. On y aura quand même gagné un semblant de paix, et la famille.
Quant à commencer sur la déchéance médiatique, voyons un peu ce qu’on a proposé de pire pour la trame homosexuelle choisie puis mise sous la lumière : un répugnant recours au teasing, les semaines précédant la sortie du bouquin, à propos du coming-out qu’on y lirait [2]. Annonce (charognarde) de l’annonce de ce qui, pour un nombre important d’homosexuel.le.s – ce n’est pas ici qu’on jugera du problème en soi –, représente encore ce qui est à faire, et quelquefois encore la violence. L’annonce avant l’annonce n’aura pourtant pas annulé le plaisir. La preuve, on est allé en masse vérifier dans les pages. En gros, au lieu d’une, on a pu se frotter deux fois. Et nous de demander alors : à quoi bon des pages sur cette souffrance pour, finalement, avec ce que le monde médiatique fait de plus aguicheur, s’en torcher ? Pas de remise en cause de la souffrance, non. Mais quelques doutes sur les leçons qu’on en tire, sur la honte comme chose du monde partagée. Et sur quel frère on peut être après.
RÉCIT DE PASSAGE, BEAUTÉ ET PIÈGE – FAUT-IL SUCER LES LECTEURS DE PASCOT ?
Voici, une hétérosexualité dans son dernier souffle s’est imposée parmi les meilleures ventes de cette rentrée littéraire. Mais on voudrait un peu nuire au spectacle, manifester en quoi il nous concerne peu, dire le scandale qu’un tel triomphe marchand ait pu être conquis avec nos charmes, et contre la partie qui parle depuis l’un des côtés de ce nous fissuré. Bonne raison pour saloper les réjouissances. Dépossédés, on est devenu un peu jaloux, et notre jalousie, érotiquement motivée, n’a rien d’une haine personnelle ; elle est un pressentiment politique.
Ce qu’on exprime le plus difficilement, fondement d’une colère ici mise en mot, touchant le plus précieux pour nous, la source de notre richesse immatérielle, ce qui, oui, sincèrement nous ravit, qu’on serait fou d’esquiver dans une critique, c’est qu’il est ravissant comme rien d’autre à nos yeux de gros pédés de faire jaillir chez les hommes encore simples leur appétit de queue.s, lentement, et, comment dirait-on, par l’effet d’un artisanat disparaissant. De tout nouveaux braquemarts à pomper, jusqu’à présent inaccessibles, se proposeront à nous. C’est certain comme l’est le ciel. Finalité sublime, quand encore elle était nôtre, et approchée dans Hémorroïde sous la forme du mystère par le poète et rappeur Lapsuçeur : « Question existentielle : Combien de beuteux existent dans le ciel ? ». Cette question fondamentale de la cosmogonie des pédés, seule une lente et fraternelle activité commune entre frères peut la traiter décemment, homme par homme. La réponse advient dans la réunion de tous. Ce sont nos trompettes à nous, de notre jour venu. Mais tous ces délicats hétérosexuels en sursis qui se ruent à l’achat (ou leurs copines pour eux), auront été initiés par lui, Pascot, qui se fait, qu’il le veuille ou non, depuis quelques temps, la voie favorite du passage, celui de l’hétérosexualité à l’homosexualité, qui a tout pris avec lui et pour lui, du fait de son succès, et pour le monde qu’on verra… C’est en partie l’explication de tant de plaisir (ou tant d’attente de plaisir) devant un tel livre, celle de l’inflammation des ventes. Panayotis Pascot, passeur, représentant de celui qui est passé par là, est encore hétérosexuel dans ses pages. Et on sait quel effet provoque une hétérosexualité vacillante.
On a été faibles, on a tout céder. Récit de conversion autant qu’invitation La prochaine fois que tu mordras la poussière tient à peu, mais tient par notre faiblesse : un désir de rapport sexuel avec l’impossible, qui en construit la beauté. L’hétérosexualité embellit un homme, repoussant hors du domaine du possible l’unité désirée des corps pour le pédé qui la considère. A quoi s’ajoute ici la gloire – celle de Pascot bien antérieure aux confidences – qui rend un être moins atteignable encore, encore moins fait pour soi. Je mets en lumière simplement l’intuition de tout le monde, intuition vraie à condition du déploiement : le succès d’un tel livre ne tient principalement qu’à ça, la beauté physique objective de celui qui l’a écrit. Un livre n’est pas un corps. Mais il peut abolir la distance, surtout quand il est ce mat récit d’une vie. Il sert alors de suppléance ; à qui tout le monde fait l’amour. Tout le monde, je crois, à voulu faire l’amour avec Panayotis Pascot. Et c’est vrai qu’il est beau, magnifique même, est même un homme au corps à aimer. C’est pourquoi les mains de quelques frères sont pleines de La Poussière. Mais le spectacle a été préparé de longtemps : il a clignoté tous les soirs, sur nos machines, pour remuer de l’air, se montrer faire le con, accroître les audiences. Un homme comme lui ne peut pas être laid. Laid, on ne peut pas dire combien se rueraient sur son simulacre de corps en papier. C’est inimaginable, pas de livres de ce genre, pas auparavant non plus de longues et divertissantes prémisses. Car par beauté objective, j’entends, on l’a compris, la beauté en tant que canon attendu, donc préconçu et fabriqué. La laideur est désintégrée par l’image médiatique. Non qu’elle n’existerait pas a priori, mais sa possibilité de survie en tant que telle demeure impossible : tout écran regardé en masse la transmue en beauté. L’étonnement des ventes est une feinte, et l’intuition de tous – que la beauté a ourdi de pierres le chemin – plus probable que n’importe quel argument commercial que Stock voudra bien nous trouver. C’est bien du reste seulement la beauté et ce qu’on imagine en faire qui peut substituer dans l’imagination le si faible contenu masturbatoire du bouquin (on aurait pu au moins en attendre ça) : danger et force de la beauté, force du fantasme humain, pour le cas qu’on observe, davantage que force de la littérature. Car comme suppléance au corps, ce qu’on nous sert de littéraire est familier du vide. Parce que Panayotis Pascot ne nous mâche pas le travail mais façonne plutôt un monopole. Et seuls nos frères qui ont déjà été raptés ne voient pas où tout cela nous mène : à un livre qui, par son absence complète d’esthétique et de références historiques à nos cultures et nos luttes, est en passe de devenir le repère de beaucoup de nos prochains frères, à qui donc politiquement nous n’aurons pas grand-chose à dire.
E mi tormenta il fortunato amore
Contro di me si ostina il fortunato
amore. Egli non sa
quanto pericoloso il suo passaggio… [3]
Nos techniques et nos charmes ont été usés à but marchand (et par là on ne parle pas d’un trou à cul tarifé pour vingt minutes, mais de plus de 100 000 ventes d’une chierie du groupe Hachette), et même usés contre nous-mêmes, charmés. Pour quel monde seulement, lequel ?
LA PROCHAINE FOIS, ON RISQUERA DE POMPER L’ENNEMI (qu’on le sache, au moins…)
Je ne défends aucune idée de ce que la littérature devrait être, ou politique ou forcément utile. Mais qu’une telle mise en récit de soi, relevant souvent du fragment écrit sur le bloc note d’un téléphone (sic. comme c’est vulgaire, et ô combien ça se voit… – dans l’urgence comme on dit pour tout et rien sur Inter ou Konbini) se fasse passer pour du labeur, qu’on la rattache à la voix d’une génération [4], mérite a minima une lueur d’objection (on veut le feu ! on veut le feu !) ; et quel poids ridicule dans ce déluge de louanges… On s’en foutrait bien d’ordinaire. Mais le phénomène n’accuse aucun signe de faiblesse. On apprend même que Bégaudeau en dira du bien devant lui, un de ces soirs à La Grande Librairie. Un critérium avisé pour se résoudre à s’abîmer dans le commentaire du médiocre, c’est cette menace qui sur nous commence à peser. Le silence nous abîmerait davantage.
Je l’ai esquissé, La prochaine fois que tu mordras la poussière ne souffre pas de plus de médiocrité qu’ailleurs, et c’est peu dire qu’à elle, en littérature, on est maintenant rompu, que seul apaise un peu d’être certain d’avoir à l’oublier, bientôt et vite, et même si c’est pour ingurgiter la couche qui suit. Pourquoi ne pas revendiquer notre part dans la bassesse – autant que notre part dans la révolution – est une question qui se pose. Le sublime est rare. Il n’y a après tout qu’un seul Belloc, il n’y aura qu’un seul Guiraudie. Malgré tout, ce triomphe du plus bas tombe assez mal pour nous. On fait déjà mouiller les slips en évoquant une adaptation cinématographique ou un second livre, au sujet lit-on [5], d’une mère celui-ci, pour éviter les jalouses. Pitié… Et pourquoi pas sur une amitié à naître avec Lagasnerie, (2) ?
On pourrait s’accorder sur une position défendant La Poussière comme une restitution fidèle des années 20 que l’on vit (mais alors, une restitution involontaire, malgré elle, en tant que faits notés simplement, non racontés, comme l’abyssal chapitre qu’inaugure la page 159 et qui n’a l’épaisseur de rien d’autre qu’un bloc-note « d’informations sur moi » ). Le même existant social est vécu par son lectorat, en dépit des différences économiques de fait, de quelques bagatelles que nous n’avons pas tous : quelqu’un qui peut nous prêter à Montréal « un grand loft sans âme mais avec une baignoire » [6], ou l’agrément de faire un « voyage forcé (au Liban) pour (s’)éloigner de Paris » [7], sous la bonne étoile d’un psy. Il vit, on vit, sidérés, les mêmes moments à deux restitués dans toute leur pauvreté : on respire le même air, de la même pièce, misérables, souvent moins solides qu’on ne l’était antérieurement, de machine à machine. Misérables dans les mots qui sortent, misérables dans l’érotisme. Deux moments. Le moment hétérosexuel [8]. Pascot s’est vidé les couilles, la jeune femme à qui avait été promis la nuit est mise dehors – elle n’avait qu’à pas le tromper, il n’avait qu’à l’aimer encore. On se souvient qu’il s’était mis à désirer les hommes. Est-ce ce désir récemment découvert qui sert de carte blanche à ce que le masculin fait de pire, y compris homosexualisé ? Le moment homosexuel [9]. Pour la première rencontre de leurs corps, Pascot et son partenaire se trouvent paralysés, ahuris, comme enfantins sans la beauté du tâtonnement des enfants et sans l’excuse de l’ignorance, sous le prétexte que l’un et l’autre ne veulent pas être pris. Et cesse tout à coup, dans la vacuité érotique de deux jeunes hommes gavés au t act ou t pass ?, l’amour qui aurait pu se faire avec une langue, une main, et l’ensemble d’un corps. De la Poussière, voilà ce que j’en tire de meilleur : la pauvreté des relations d’un jeune garçon qui se croit, se veut, et se raconte différent, comme tous.
Dans un temps de l’histoire où le capitalisme a pénétré jusqu’au corps intime, à l’esprit, certains, oui, plus que d’autres, on attend quand même d’y trouver la prémisse, un fragment des temps où l’altération était encore palpable dans l’expérience au travail et qui persiste bien sûr encore malgré sa prolifération sur l’ensemble de l’expérience humaine. Elle est bien là, dans l’envie et la poursuite, dissimulées dans chaque page, et certaines plus que d’autres, de sa place au soleil, de sa carrière à soi. Et dans nos années 20, la carrière tend à se vivre depuis les yeux de tous ; quelle belle illustration de l’avilissement que ce livre, en définitive… la critique est passée à côté. Voir de soi-même partout : me voilà arrivé. La carrière, le succès. On croit comprendre qu’avec papa, c’est là la source de discorde. Papa trop célèbre, trop arrivé, quelle est ma place, où parvenir après lui ? On n’envisage pas son avenir en deçà. Ni que certains honneurs déshonorent. « Ils me voyaient sûrement comme un boss acnéique, tyrannique, impuissant, écrasé par le poids de ses ambitions. » [10] Si tôt, oui quel désastre. Mais on croirait voir émerger du repentir… (un livre, forme laïque, forme moderne de confesse). Non ? On passe quelques lignes : « Six mois plus tard je démissionnais, ce n’était plus pour moi. Moi, je serais un grand artiste, j’en étais convaincu. » [11] Non. Toujours moi. Moi je, moi grand. Moi carrière.
Et lui à ce point là, d’être fier d’apprendre que la dépression dans sa forme dont il est atteint est l’une des plus sévères, et « même dans la dépression je suis fier d’arriver le premier. » [12] Étrange mélange des arrivismes, mutation de l’ancien encore un peu visible, et novation contemporaine des esprits aliénés à tout un tas de choses. Étrange carrière, drôle de succès.
Quelques points émouvants ou saillants d’une époque auraient mérité d’être travaillés davantage : les troubles érectiles d’un jeune homme, ou une conscience sous médicaments. Je ne suis pas certain que le récit d’une relation père-fils puisse de sitôt apparaître sous un angle intéressant (on en bouffe trop, comme de tout), et celle-ci ne s’arrache jamais de la banalité… ni par conséquent du ouin-ouin nombriliste. Je voudrais pour accompagner cette remarque extraire du livre ce que je considère en être le plus lucide des fragments : « Pourquoi tu dois toujours tout ramener à toi ? » [13] Cet éclair d’esprit est pourtant mal placé. Il ne va nous servir qu’à en déterrer le sens caché, à en transcrire la position identique mais débarrassée d’un moi omniprésent, la suivante : pourquoi tiens-tu à faire un livre ? Deleuze [14] avait raison de gerber sur une forme livre qu’envahirait la forme article, d’archives et de faits, des journalistes, « abomination de la médiocrité littéraire ». « Quand on écrit (gerbait-il) on ne mène pas une petite affaire privée. » A la même époque il opposait le sale parler avec l’écrire, propre. Pascot nous dit avoir compris « que se laver les mains et écrire c’est la même chose. » [15] Peut-être qu’écrire s’est mis à être sale. Moi je pense que Pascot n’écrit pas.
QUI VIENDRA ET OÙ ?
Tous les mondes sont concernés par le phénomène, le malheur, qui touche ici les nôtres et qu’on aura tenté d’illustrer avec le plus néfaste du moment. Il nous faudra, sans perdre de temps, pour survivre, reconduire la dispersion esthétique contemporaine des homosexuels, parmi lesquels cet automne les plus jeunes entrent par un gribouilleur dans la « littérature » – qui juge bon de mentionner chaque dix pages ses trajectoires Uber, ses scrolles vestimentaires, ses « poses (de) like » [16] ou ses fréquentations insipides sur Tinder, qui n’ont même pas valeur de construction romanesque ou d’analyse d’une époque, ni ne semblent interroger les notions de bassesse, d’aliénation, quoi d’autre encore ? A-t-on vu la trace d’une pissotière ? dans ces pages, échos des villes, ces pages, douces machines à détruire, qui achèvent d’aseptiser la matière, aseptisant nos esprits. Nos quartiers s’embourgeoisent, les normes nous enserrent. On en demande encore. Qu’a-t-on gagné au change ? Le mariage, par quoi le livre, dans l’espoir et le désir, s’achève [17], des commentaires sur un site de pipes. C’est-à-dire l’allégeance à l’État, ou l’allégeance à la technique. Dans quel existant de merde, dans quelle esthétique monstrueuse accueille-t-on les prochains ?
Ainsi Panayotis Pascot ne vient pas à nous, chez les pédés. C’est une partie des nôtres qui nous est dérobée, qui va vers l’assimilation, vers une sorte d’hétérosexualité homo, prenant tous les hésitants avec, hétérosexuels qui resteront hétérosexuels quand bien même ils se mettraient à s’enculer, c’est-à-dire que rien n’est en passe d’être dépassé qu’une affaire de préférence pour les teubs [18]. Et le genre, donc ? Et la famille ? Le Capital ? Et la police ? LA POLITIQUE, DANS « NOTRE » HOMOSEXUALITÉ ?
On finira quand même en citant, en une phrase, le phénomène dans tout son comique, toute son infamie, et sans besoin de commentaires : « Il y a quelque chose de l’ordre de la révolte dans cette famille (dont Pascot tient à se situer dans la lignée), de la révolution même. » [19] Aucune place, non, pour ce livre, dans la mémoire de ce que nous avons majestueusement fait. Autour, un tas de petits mondes, de modes de vies, d’us souterrains, érotiques, égarés, sont des éclats à raviver, qui diminuent et diminuent dangereusement. Mieux vaut peut-être pour un temps fermer les livres.
A nos frères perdus, revenez, revenez donc de ce baiser de la mort qui vous a eu par notre faiblesse la plus belle : notre toujours disponibilité, armés de notre patience et de notre bon cœur, à faire comprendre aux hommes à tous qu’ils sont pédés. Reprenons là où on était de ce si beau projet, avant d’avoir fauté, suivant Pascot, d’avoir voulu aller trop vite. Vous qui avez été faibles pour nous – qui sommes impitoyables mais frustrés – qui pourrait vous porter grief trop longtemps de ne pas avoir résisté devant la demande des hommes d’être adorés par leurs semblables ? Vous êtes déjà entièrement pardonnés, et Pascot avec vous. Ne vous excusez pas et revenez. Il sera bien temps de tout oublier et de tout pardonner, sur l’aire, dans la clairière ou à la pissotière oubliée, le jour venu, le plus beau de tous.
Marie-Mariette Pouget.
[1] . Propos peu recherchés de Paloma Grossi, éditrice chez Stock, dans Le Figaro, « Panayotis Pascot, pourquoi l’humoriste cartonne dans les librairies », 04/10/23
[2] . Entre autres :
05 juillet dans Elle : « Panayotis Pascot : l’humoriste évoque son homosexualité dans son livre »
05 juillet dans Têtu : « Panayotis Pascot confirme son coming out dans un livre à paraître »
05 juillet dans Le Parisien : « L’humoriste Panayotis Pascot fait son coming out dans un livre à paraître en août »
07 juillet dans Paris-Match : « Panayotis Pascot évoque son homosexualité dans son prochain livre »
Le livre est sorti le 23 août…
[3] . « Et me tourmente l’heureux amour / Contre moi s’obstine l’heureux / amour. Il ne sait / combien dangereux peut être son passage » Sandro Penna, Croix et délice, Paris, Ypsilon, Pages 126-127. Traduit de l’italien par Bernard Simeone.
[4] . Le récit de Pascot serait le « miroir d’une génération » selon la formule de Inas Hamou Aldja sur France Info, in. « Panayotis Pascot se met à nu dans son premier roman » (rire…), 09/10/23
[5] . Propos de Panayotis Pascot, même article.
[6] . Page 65
[7] . Page 203
[8] . Pages 95-96
[9] . Pages 124-125
[10] . Pages 116-117
[11] . Page 119
[12] . Page 204
[13] . Page 82
[14] . Gilles Deleuze (conversation avec Claire Parnet), Abécédaire : A comme Animal, 1988. Disponible sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=SlNYVnCUvVg
[15] . Page 129
[16] . Page 17
[17] . Page 225 : « Un jour, je l’épouserai »
[18] . Les pages 55 et 69 sont frappantes. L’homosexualité y est maladroitement réduite à l’apparence physique, le vernis. Que le garçon, à ce moment-là soit encore hétérosexuel et certainement un peu bête, ne semble pas pouvoir justifier une telle grossièreté. Il n’y a d’ailleurs l’émission d’aucune critique (non pas que la littérature doive être vertueuse ! mais ce texte, on le rappelle, n’est pas une fiction à proprement parler). Un peu faible pour qui prétend interroger la masculinité…
[19] . Page 165
« Je me demande ce que signifie cette étrange synchronicité ; se métamorphoser au moment où le monde se pétrifie. »
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